L'histoire que je vais conter dans ses pages est la mienne. Une histoire vécue dans la douleur et dans le drame, dans la tourmente et dans la peine. Ce texte est pour moi un exutoire, salutaire ou non, seul l'avenir me le dira. Je sombre jour après jour, heure après heure. Je dérive au grès de la vie, au grès du temps qui s'écoule. Et je pense, je me perds, dans mon passé sans pouvoir entrevoir un avenir.

Je l'ai rencontré par une belle journée du mois de mai 2000. Moi, militaire, scientifique du contingent comme cela existait autrefois. Elle était stagiaire, en fin de DUT. Nous étions sur le même centre de recherche. Il faisait beau. Je voyais l'avenir avec sérénité. J'étais seul, mais avec des projets dans la tête, des ambitions, chercher un travail, entrer dans la vie active, me trouver un endroit ou vivre, rencontrer quelqu'un... Elle m'a sourie, j'ai oublié le reste. Nous avons été présentés par un autre stagiaire qui travaillait avec moi. Il organisait un repas, elle y participait, je ne pouvais pas refuser. Il fallait que je la voie, il fallait que je lui parle.

Le repas se déroula dans la joie, une ambiance d'insouciance, légère et parfumée. Durant la soirée, je l'ai entouré, je l'ai captivé autant que j'ai pu. La concurrence était pourtant présente, mais je bénéficiais d'un avantage, indéniable et déloyal, je la raccompagnais.

Au moment de la quitter, mon cœur battait comme jamais, de joie, de peur, d'excitation, quelques mots à peine, quelques mots tellement difficiles à prononcer pour moi, tellement de questions, tant de pression. Je veux te revoir. Peux-tu venir manger chez moi demain?

Le bonheur, la joie, le cœur qui bat, je repris le chemin du retour en rêvant au lendemain.

Ce fut la meilleur période de ma vie. L'insouciance de la fin de ses études, l'assurance d'avoir quelqu'un que l'on aime et qui nous aime à ses cotés. La recherche d'emploi était la seule ombre au dessus de ma tête. La passion habitait mon corps, mon esprit et mon âme. La sanction tomba cependant. Aucun travail dans la région, ma seule alternative étant de partir, j'ai choisi l'opportunité qui me garantissait le trajet le moins difficile. Ce fut la région parisienne.

Mon départ fut un déchirement. Elle pleura, j'ai chialé. Retenir mes larmes était au dessus de mes forces. Voir une femme pleurer est toujours une torture pour moi, mais lorsque mes sentiments s'en mêlent, cela devient destructeur.

Nous avons tenu cependant. La première fois que je suis revenu, aucun de nous deux n'y croyait vraiment. De la gène, de l'envie, de la passion, de la folie, cela dura deux ans. Les allés et retours, le train, les gares, les adieux, les retrouvailles, elle ne voulait pas quitter sa région. Trop d'attaches pour elle, sa santé fragile l'empêchait de se rendre dans la pollution parisienne. Moi j'étais de mon coté à bout. Trop de monde, trop de voitures, trop de gens, trop de pression, la banlieue ne me convenait plus, je ne voulais plus de cette vie. J'ai donc tout fait pour retourner vivre avec elle. Cela impliquait des sacrifices, mon travail, mes amis, ma famille, mais qu'importe pour moi. Elle était le centre de ma vie, ma raison de vivre, ma compagne, mon amie, mon amante, ma confidente.

Je suis venue en trouvant du travail. Il n'était pas garanti sur la durée, mais il me permettait de la retrouver. Il ne correspondait pas à mes aspirations, cependant la vie n'est pas professionnelle pour moi, elle est personnelle.

Cela dura trois ans, trois ans de vie commune. Nous habitions dans un studio de 23m². Pas d'intimité, il fallait s'aimer. Elle avait repris les études. Travail difficile, cours du soir, contrains aux vacances scolaires, souvent fatiguée, mais je l'ai soutenu durant cette période. Elle avait besoin d'un pilier, d'un centre pour se reposer. J'ai tout assumé, la vie, le quotidien, pour qu'elle puisse avancer. La passion du départ s'enfuie, la routine pris-le dessus. Les questions surgirent, est elle la femme de ma vie ?

Elle ne faisait rien dans notre appartement. Je faisais le ménage, la vaisselle, les repas, nettoyer les toilettes, nettoyer la douche. J'étais un peu la bonne de madame. Nos relations intimes étaient peu fréquente. Elle était toujours fatiguée, stressée, elle n'aimait faire l'amour que le matin. Cela ne nous permettait que le week end, lorsqu'elle ne faisait pas de grasse matinée, et en bonne santé et pas indisposée. Car dans la semaine, il était hors de question de perdre du temps à cela. Elle ne voulait pas m'épouser non plus, le mariage n'est pas nécessaire, trop grosse dépense pour elle, et puis ma famille était trop nombreuse pour elle, cela lui faisait peur. Alors que moi je n'envisageais pas autre chose qu'un mariage en famille. Je voulais montrer mon amour au grand jour. Elle ne voulait pas d'enfant, trop tôt, pas prête, trop de responsabilités. Je l'ai compris, j'ai patienté, pourtant j'étais prêt pour enfanter, mon désir de paternité présent depuis des années déjà ancré au fond de moi. Et pourtant elle avait du temps pour faire cela. beaucoup plus que moi. Professionnellement, un travail en or, elle travaillait en horaires décalés et à 39 heures, sans dépasser. Un travail d'assimilé fonctionnaire. Elle ne s'occupait pas de nos sorties ou de nos vacances non plus, ou très rarement. C'était moi le plus souvent qui l'a sortait, pour un ciné, ou un resto, ou une balade.

J'ai tenu cependant. Je râlais souvent, cela améliorait les choses pendant un petit moment. Mais son naturel revenait. Je l'aimais désespérément. Je tenais à elle plus qu'à n'importe quoi sur cette terre. J'ai tenu.

Puis vint le projet. Ses études arrivaient à leur terme, je lui ai proposé. Notre appartement était trop petit, nous avions les moyens, il était temps d'envisager autre chose. Un achat, un endroit à nous, ou nous retrouver, ou nous épanouir. Nous avons commencé à chercher. Elle avait du temps. Elle se dédia à la recherche. Mais il nous fallait trouver son coup de cœur. Indécise jusqu'à l'excès, il lui fallait un endroit bien placé, une construction récente, propre et fonctionnelle.

Elle était très attachée à son quartier. Mais les occasions étaient rares. Pourtant la chance nous a sourie. Dans un terrain de notre rue, un lotissement fut prévu. Certes cela était plus cher que ce que l'on avait envisagé, mais qu'importe, le cadre était bon, le projet était sur plan, passionnant, un nouveau défis.

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